mercredi 30 octobre 2013

Handicap : de l'intégration à l'inclusion, par Anne-Valérie Delaplace

Anne-Valérie Delaplace a été enseignante durant un peu plus de 20 ans, dont 15 en milieu ordinaire, puis 3 ans en IME, Institut médico-éducatif et enfin 3 ans en Clis, Classe d'inclusion scolaire.
Elle est l'auteure du livre "Moments de vie - Enseigner en Clis avec des enfants autistes, le champ des possibles..."
Elle est membre du collectif pour l'inclusion scolaire des enfants handicapés.


L’intégration puis l’inclusion... Une anecdote 
Encore jeune enseignante, j’ai eu une classe de CM1 au Port (Ile de la Réunion), mon premier poste de titulaire, lors de ma 3ème année d’enseignement, dans une très grosse école de 20 classes. Observant les jeunes de la classe de perfectionnement ("perf"), toujours un peu solitaires et isolés dans la cour, j’ai proposé à l’enseignant de cette classe de partager des temps de sport. J’avais alors débuté une activité au gymnase, gym, danse, musique... Avec mes 30 élèves on s’éclatait à jouer à «Véronique et Davina». Ravi de cette proposition, l’enseignant m’accompagna avec ses 15 élèves de perf ... Surpris, rigolant... Ils ont vite apprécié de partager ces moments avec nous, puis l’enseignant participant activement a poursuivi sur un cycle de ballon... Un jour il me parle de l’un de ses élèves, promis à la SES (actuellement SEGPA, Section d'enseignement général et professionnel adapté) qui pourrait faire mieux... Nous tombons d’accord pour un essai en CM1. Je le prends dans ma classe tous les matins 1 heure, puis toute la matinée... Tout se passe formidablement bien... Je demande à l’enseignante de CM2 de le prendre dans sa classe 2 après-midi par semaine... Et en route pour le passage au collège en 6ème ! L’enseignant de la perf a fait le relais au collège les premiers mois... puis en 5ème nous n’en avons plus entendu parler… Tout se passait bien, il était devenu un élève parmi les autres.
À cette époque, l’intégration, on n’en parlait pas et ça ne se pratiquait... Quasiment pas.

L’intégration puis l’inclusion... En Clis 
Arrivée en Clis, bien des années plus tard : 12 élèves, 2 jeunes autistes dont l’un depuis 3 ans. Pas d’intégration évidemment pour lui, seulement quelques élèves de la Clis avaient eu «droit» à quelques heures de sport avec les classes de CP ou de CE1. Il m’a fallu attendre jusqu’à la Toussaint pour négocier avec mes collègues l’intégration de mes élèves autistes et dans des matières de travail à table, c’est-à-dire français ou maths, selon leurs compétences. L’année suivante la Clis est devenue classe d’Inclusion et j’ai pu continuer activement, en obtenant des AVS-i, Auxiliaires de vie scolaire individuels pour mes élèves autistes et de réelles inclusions dont on sait tous qu’elles sont plus que bénéfiques. Durant ma dernière année de Clis, j’avais un élève que je ne voyais quasiment plus, il était tous les matins en CM1 et un après-midi avec moi en Clis. Bien sûr en cas de souci, de changement, il pouvait revenir à tout moment dans la Clis avec son AVS-i.

L’inclusion scolaire peut se conjuguer et se décliner sous différentes formes...
Voici quelques projets d’inclusion que j’ai pu mener à bien durant mes années d’enseignante dans l’Education Nationale :
- Inclusion d’un élève de classe spécialisée dans ma classe ordinaire de CM1, qui a pu l’année suivante intégrer une 6ème au collège.
- Inclusion d’un élève de Clis en classe ordinaire pour des activités de français et/ou de mathématiques, avec AVS-i.
- Inclusion d’un groupe d’élèves de la Clis pour des projets de décloisonnement en Arts visuels et en sciences.
- Inclusion des élèves de la Clis avec deux classes pour un voyage scolaire.
- Inclusion d’enfants en IME dans la Clis tous les matins pour favoriser de réels apprentissages scolaires.
- Inclusion des enfants à la restauration scolaire, grâce à un partenariat avec le service handicap de la municipalité, une personne supplémentaire, rémunérée par la mairie formée par l’AVS collective de la Clis ayant fait le relais nécessaire durant un mois.
- Inclusion des enfants au centre aéré de la ville pour les vacances scolaires.

Les bénéfices de l'inclusion
L’inclusion est avant tout une question de bon sens. Elle se révèle bénéfique pour tous :
- Pour les élèves en situation de handicap qui apprennent à vivre et à apprendre avec les autres.
- Pour les élèves ordinaires qui apprennent à changer leur regard sur l’autre, sur la différence et qui se font de nouveaux amis.
- Pour les adultes, enseignants et intervenant dans les écoles qui doivent se remettre en question et modifier leurs pratiques.
 
Pour conclure, je citerai Fanny, l’enseignante spécialisée qui a repris mon poste dans la Clis, et qui a écrit dans son témoignage qu’elle a rédigé dans mon livre :
"En somme, chaque jour est rythmé par des victoires. Car c’est de cela dont il est question en CLIS, permettre aux enfants de devenir «élèves» au sein d’une école.
Je conclurai en comparant cet objectif à l’album de Jérôme Ruillier, "Quatre petits coins de rien du tout" :
C’est l’histoire d’un petit carré et de ses camarades, des petits ronds, qui, au moment de rentrer en classe s’aperçoivent que celui-ci ne passe pas par la porte (représentée par un cercle). C’est alors qu’ils comprennent que ce n’est pas petit carré qui doit changer.
C’est la porte de l’école !