vendredi 13 décembre 2013

Un magnifique discours de J.C Ameisen sur l'inclusion...

Un magnifique discours de JC Ameisen sur l'inclusion où il est certes question de handicap visuel mais ce discours est valable pour le handicap en général. 

Concernant l'autisme il suffit de remplacer cécité par cécité sociale et voyants par non autistes...
http://www.inclure.fr/Why/LusseyranAmeisen.mp3

samedi 7 décembre 2013

Compte rendu de la rencontre avec M Marc Pierre Mancel, directeur adjoint du Cabinet de George PAUL LANGEVIN, Ministre déléguée à la Réussite éducative

Vendredi 6 décembre de 11h 45 à 13 h au 110 rue de Grenelle, compte-rendu disponible également sur ce lien

Présentation de la pétition sur l’inclusion scolaire par :
- Christine PHILIP, Maître de conférences honoraire de l’INS HEA
- Anne Valérie DELAPLACE Enseignante spécialisée retraitée de l'Education nationale et enseignante à domicile auprès d'enfants autistes
- Marion AUBRY Mère d'un garçon avec autisme
- Natacha FOUCOT, Mère avec HP et TDAH, enfants avec HP, Dys et multi dys



C’est sur le mode de l’échange informel de la conversation que cette rencontre se déroule, comme la précédente au Ministère de la Santé. Notre interlocuteur se montre d’emblée très engagé sur la question qui nous intéresse.
Nous avons apporté un certain nombre de documents qui constituent un dossier que notre interlocuteur accueille avec intérêt et dont il nous assure qu’il va en prendre connaissance et qu’il le transmettra à sa collègue Responsable à la DGESCO, Sandrine LAIR qui devrait nous recevoir prochainement.
Contenu de ce dossier :
- Liste des signataires de la pétition
- Commentaires laissées par les signataires sous forme de dossier
- Un florilège de ces commentaires organisé par thèmes et mise en pourcentages des signataires de la pétition
- Le texte de la pétition sous sa version courte avec nos demandes
- Un dossier de communication, argumentaire d’un power point remis sur DVD contenant deux extraits de vidéos montrant une situation « limite » d’un élève avec autisme sévère, scolarisé en classe ordinaire de collège, et une école inclusive au Québec accueillant un élève avec retard mental
- Un article sur l’inclusion en ligne sur notre blog
- Une liste de propositions concrètes en plus de celles contenues dans la pétition qui seront présentée à notre interlocuteur
Ce dossier qui nous a demandé beaucoup de travail nous donne une crédibilité. Nous ne venons pas seulement avec des revendications mais avec des textes qui présentent la situation actuelle, des témoignages qui montrent ce qui est possible, et des demandes précises pour faire progresser l’inclusion scolaire.
Après une présentation générale de notre dossier, qui insiste sur le fait qu’en matière d’inclusion, nous ne sommes pas des « jusqu’au boutistes », que ce que nous souhaitons c’est seulement faire progresser cette approche dont cette pétition avec ses 30 000 signatures montre qu’elle correspond à une aspiration actuelle très forte chez les usagers mais aussi les professionnels divers. Nous nous présentons comme un collectif de citoyens issu des réseaux sociaux qui s’est donné l’objectif de faire remonter les attentes du terrain dans ce domaine de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Chacune de nous va tour à tour prendre la parole pour présenter cette situation actuelle en témoignant à partir de son expérience propre, ainsi que les propositions pour la faire évoluer.
Notamment, en tant que parents d’élèves, nous témoignons de l’absence de volonté, des difficultés de certains enseignants à adapter la pédagogie et les supports de travail. Il se montre intéressé par cette remarque et par la proposition qu’un enseignant spécialisé dans la classe soit chargé des adaptations pédagogiques.
Nous saluons la Loi de la Refondation de l’école qui pour la première fois parle d’une scolarité inclusive. Nous insistons sur le fait que l’inclusion actuellement est plus dans les discours que dans les pratiques et que l’Education nationale n’est pas suffisamment impliquée pour assurer sa mise en oeuvre.
M. Mancel prend alors la parole manifestant son propre engagement pour l’inclusion. Il considère qu’aucun moyen n’a été dégagé pour l’inclusion, même après la loi de 2005. Il indique que, selon lui, l’un des freins au changement est le système qui est très cloisonné (cloisonnement entre les Ministères par exemple : Santé, Education, Justice… qui ne facilite pas la prise de décision). Il donne l’exemple du décret pour la CDIsation des AVS qui a demandé pas moins de 17 séances de travail pour arriver à se mettre d’accord sur un texte de Loi pour traiter ce problème.
Nous lui demandons pourquoi seules les 28.000 AVS sous contrat d’assistant d’éducation vont être CDIsées et pas les AVS en CUI. Il l’explique par la complexité de ce dossier, notamment les aspects juridiques. Puis il l’explique par le manque de moyens de l’Education Nationale. Nous lui demandons si le turnover n’est pas coûteux (recrutement, rédaction des contrats). Selon lui, ce n’est pas coûteux. Chose intéressante, il nous indique que la CDIsation des AVS AED entraîne une diminution du coût des AVS car les cotisations sociales sur des contrats de droit public sont moindres que sur des contrats de droit privé.
Concernant les AVS, nous lui indiquons que certaines académies n’arrivent pas aujourd’hui à recruter d’AVS en CUI et que dans une académie que nous connaissons, 16% des postes d’AVS sont non pourvus à cette date, 3 mois après la rentrée. Nous lui demandons pourquoi le ministère n’ouvre pas de postes d’AVS AED. Il nous répond que si les académies n’arrivent pas à recruter, ce n’est pas à cause du type de contrat mais parce qu’elles ne font pas suffisamment d’efforts.
Nous faisons remarquer que dans le champ du handicap ceux qui constituent « le gros des bataillons », avec handicap mental et cognitif, constituent les laissés pour compte du système. Même dans les médias ils ne sont jamais évoqués. Seul le handicap visible (sensoriel et moteur) est cité, ce qui ne signifie pas que tout est parfait dans ce domaine. Ceux dont le handicap est invisible (handicap mental et cognitif) débutent leur scolarité en classe ordinaire de maternelle, souvent à temps très partiel, puis sont très rapidement renvoyés vers des Clis qui bien souvent ne sont pas ouvertes sur les classes ordinaires, et à la fin de la Clis soit ils retournent vers les établissements spécialisés (qui manquent de places actuellement) soit vers les SEGPA.
Nous faisons remarquer que le coût de la scolarisation en milieu ordinaire est bien moindre que le coût d’un accueil en médico-social et sanitaire… Il approuve ce constat mais il fait remarquer qu’il faudra du temps pour faire évoluer les mentalités de tous : aussi bien des parents d’enfants non-handicapés, des enseignants et des professionnels. Nous faisons remarquer que c’est par l’école que nous pourrons faire évoluer les mentalités. Il approuve nos analyses et nos propositions mais fait ressortir à chaque fois les difficultés de mise en oeuvre, à cause de tout un système qui ne facilite pas les transformations et innovations. Lorsque nous faisons remarquer que la Santé et le Médical ont encore beaucoup de pouvoir dans notre système pour le devenir des enfants en situation de handicap, il approuve et évoque une « démédicalisation » souhaitable. Il pense que la médecine scolaire est la clé de cette démédicalisation et il nous indique qu’il travaille actuellement sur ce dossier. Nous évoquons nos doutes quant au rôle du médecin scolaire dans les équipes de suivi de la scolarisation. Nous suggérons que le rôle du médecin scolaire devrait se limiter à du dépistage. Il indique que les missions du médecin scolaire pourraient être redéfinies.
Nous approuvons l’expression « démédicalisation » et nous ne manquerons pas de la diffuser. Nous considérons en effet que l’on ne fait pas suffisamment confiance aux enseignants et que l’on renvoie toujours aux spécialistes du médico-social ou du sanitaire, lesquels ne sont pas toujours des spécialistes… Par ailleurs pour ce qui est des apprentissages scolaires, même avec des élèves en situation de handicap, c’est l’enseignant le spécialiste et non le médecin ou le psychologue. Toutefois, le Collectif souhaite que l’intervention des SESSAD à l’école puisse être facilitée mais c’est un point que nous n’avons pas eu le temps d’aborder avec M. Mancel.
A aucun moment il ne désapprouve nos analyses et propositions. Nous posons le problème de la formation des enseignants et des AVS au handicap et là il nous renvoie à la Loi qui prévoit désormais dans les ESPE (Ecoles supérieures pour les personnels d’enseignement et d’éducation) une formation au handicap pour les enseignants et les accompagnants. Cependant le volume horaire de cette formation dans le cursus des ESPE n’est pas encore défini. Nous faisons remarquer qu’il faut aussi une formation à l’inclusion et pas seulement au handicap. Il évoque le E LEARNING et est au courant du dispositif innovant mis en place par le CNED dans le domaine de l’autisme « Canal Autisme » avec des ressources mises en
ligne mais aussi et surtout des formations à disposition de toute personne intéressée (enseignants, parents, accompagnants). Nous en profitons pour dire que deux parmi nous sont déjà engagées dans ce projet innovant.
Nous évoquons le fait que dans un département que nous connaissons, 126 élèves avec une notification MDPH d’orientation en CLIS ou en ULIS n’aient pas eu de place à la rentrée. M. Mancel nous indique qu’il pense que c’est parce que les Inspections d’Académie ne sont pas suffisamment représentées dans les commissions MDPH. Nous attirons son attention sur le fait qu’il ne s’agit que l’Education Nationale intervienne plus en CDAPH pour limiter les orientations en CLIS/ULIS, mais bien d’ouvrir les classes nécessaires en fonction des besoins des élèves.
M. Mancel aborde aussi les sujets du périscolaire et de l’équipement numérique des établissements.
Enfin nous insistons sur notre proposition de « classes inclusives » qui existent déjà dans certains pays avec un effectif d’élèves ordinaires réduit et quelques élèves en situation de handicap avec deux enseignants dont un spécialisé. Nous faisons remarquer qu’il serait intéressant de mettre en oeuvre ce dispositif sous forme d’appels à projet avec des volontaires. Par ailleurs ce qui est prévu pour les élèves en difficulté scolaire (plus de maîtres que de classes) pourrait très bien être mis en place pour les élèves en situation de handicap.
Nous profitons de cette proposition innovante pour demander des réunions suivies avec notre collectif pour faire le point sur les avancées. C’est à cette occasion qu’il évoque le service de la DGESCO en nous expliquant que c’est avec ce service que nous devons travailler. Il nous promet de transmettre tous nos documents à la responsable de la DGESCO Mme Sandrine LAIR, et nous indique que nous devrions être à nouveau sollicités par cette responsable pour un nouveau rendez-vous pour examiner ce qui est possible de mettre en oeuvre. Nous sommes donc désormais dans l’attente de ce prochain rendez-vous et nous allons adresser un courrier à M. Mancel pour le remercier de cet entretien et lui demander de nous accompagner à cette nouvelle rencontre. Il nous semble que M. Mancel peut être un soutien pour notre collectif dans cette rencontre avec les professionnels de la DGESCO.

vendredi 22 novembre 2013

Compte-rendu de la rencontre avec les représentants du cabinet de Madame la ministre M.A Carlotti



Rencontre le 19 novembre 2013 avec Mme Muriel Vidalenc-Lejeune, directrice adjointe et Jérémie Boroy, conseiller du Cabinet de M.A. Carlotti, Ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion au Ministère de la Santé, pour la remise de la pétition pour l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap




Porteurs de la pétition :
Christine PHILIP, maître de conférences honoraire de l’INS-HEA
Patricia BOURNIER, mère d'un adolescent autiste Asperger et d'une jeune adulte TDAH (Trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité), consultante en Troubles du Spectre Autistique.

Un album photo de cette rencontre est visible sur ce lien

Christine Philip, Anne-Valérie Delaplace, Patricia Bournier, Natacha Foucot, Magali Pignard, Jacqueline Tartri
Christine Philip, Anne-Valérie Delaplace, Patricia Bournier, Natacha Foucot, Magali Pignard, Jacqueline Tartri

Alors que nous pensions exposer l’objet de la pétition à partir d’un power point, nos deux interlocuteurs engagent spontanément la conversation en nous demandant de nous présenter et en nous posant des questions. Notre rencontre va donc se dérouler comme un échange informel où nous donnerons chacun notre avis ainsi que nos interlocuteurs.

Ce qui nous surprend, c’est la convergence de nos analyses de la situation. Nos interlocuteurs sont conscients des difficultés de scolarisation des enfants en situation de handicap et des « ruptures » dans leurs parcours scolaire. Ils sont aussi conscients de la difficulté des institutions à s’ouvrir sur le milieu ordinaire et leur tendance à vouloir « garder des clients captifs » selon leur propre expression… Ils constatent l’implication insuffisante de l’Education nationale et nous demandent si un rendez-vous est prévu au Ministère de l’Education nationale. Nous leur faisons part de notre rendez-vous avec le cabinet de George Pau-Langevin. Ils nous confirment que c’est le bon interlocuteur pour parler de ces sujets à l’Education nationale …

Comme nous sommes face à des interlocuteurs de la Santé, nous décidons d’axer nos interventions à la fois sur l’ouverture nécessaire des établissements sur le milieu ordinaire, et sur la transformation progressive d’IME, Institut médico-éducatif, en SESSAD, Service d'éducation et de soins spécialisés à domicile. Ils y sont favorables. Mais ils semblent considérer que le changement doit venir des grandes associations gestionnaires et que les parents doivent prendre plus de place pour accompagner ce changement. Eux peuvent le promouvoir, mais non l’imposer. Ils n’adhèrent pas à l’idée que le processus de création de places de SESSAD nouvelles (via appel à projets) soit plus lent que celui d’une transformation de places d’IME en SESSAD (sans appel à projets). Ils interprètent cette remarque comme une critique de la procédure d’appel à projets (qui a remplacé les soumissions directes de projets).

Ils évoquent le partenariat entre le secteur médico-social et l’Education nationale, en indiquant que le CIH (Comité interministériel handicap) a un projet d'expérimentation au niveau local de "plateformes" (concernant tous les handicap) visant à développer les coopérations entre l'EN (Education nationale) et le secteur médico-social dès la rentrée 2014. Un cahier des charges serait en cours de réalisation.

À ce sujet, nous faisons remarquer que pour l’autisme, la décision d’ouvrir des Unités d'enseignement dans les maternelles n’est peut-être pas la mesure la plus opportune. Il aurait peut-être mieux valu ouvrir des SESSAD qui accompagnent la scolarité des enfants en milieu ordinaire … Cette remarque les embarrasse. Ils répondent qu’il faut y aller « au cas par cas » et que ce qui compte, c’est la diversité des solutions proposées et qu’il n’existe pas « une seule bonne réponse » …

À la réflexion cette position constitue un point de désaccord avec notre projet, dans la mesure où nous privilégions l’inclusion scolaire, en considérant que c’est à l’école de s’adapter et de répondre aux besoins particuliers des élèves… Eux continuent de penser qu’il faut partir de l’élève sans changer le milieu, en lui trouvant la « bonne place » … Ce qui s’appelle « intégration » et non « inclusion ». L’approche inclusive ne nous paraît pas vraiment comprise. Il faudra clarifier et insister sur cette option lors de la prochaine rencontre avec le ministère de l'Education nationale.

Nous avons eu la possibilité d’avoir un échange avec une personne elle-même en situation de handicap, et de ce fait personnellement impliqué. Jérémie Boroy est en effet une personne atteinte de surdité et appareillée. Il apparaît peu favorable à la généralisation de l’inclusion scolaire. Il évoque en effet les choix éducatifs des parents d’enfants sourds qui, selon qu’ils choisissent la langue des signes ou l’oralisation, sont confrontés à des modalités de scolarisation différentes. Nous attirons son attention sur ce point que, pour l’écosystème, le fait de créer des unités d'enseignement autisme peut être interprété justement comme la solution unique de scolarisation des élèves autistes et ainsi créer un effet d’éviction. Il est donc primordial que tous les acteurs de l’écosystème gardent en tête la « diversité des solutions » de scolarisation possibles.

Le fait que nous soyons essentiellement dans le champ de l’autisme ne leur a pas posé problème, dans la mesure où ils sont bien conscients que dans le champ du handicap c’est là où les usagers (mais aussi les professionnels) sont le plus actifs. Ils considèrent que c’est un bon exemple pour les autres et que l’on peut s’inspirer utilement de ce qui est accompli dans ce domaine… Nous les informons que le collectif, essentiellement axé autisme au départ, s'ouvre sur tous les handicaps : handicaps invisibles comme les troubles des apprentissages, handicaps plus visibles comme la trisomie 21, le handicap moteur et tous les troubles cognitifs et mentaux.

La question de notre relation avec les associations nous a été posée, entre autres avec Autisme France. Nous leur avons fait remarquer que la majorité des parents, y compris pour l’autisme, ne sont pas rattachés à une association. Notre démarche a été de se démarquer des associations pour représenter les usagers. Les grandes associations n’ont pas souhaité soutenir notre pétition, n’ayant pas été à l’initiative de cette démarche. Nous avons regretté cette position. Nos interlocuteurs ont cependant reconnu que les collectifs de citoyens avaient toute leur place à côté des associations.

Nous leur avions apporté des documents écrits, un CD et un DVD. Ils se sont montrés intéressés par ces documents. Sur le DVD il y avait le power point présentant la pétition avec deux extraits de vidéo (scolarisation d’Aymeric élève avec autisme sévère au collège) dont nous avons parlé. Ils ont réagi avec intérêt. Nous pensons qu’ils vont les regarder. 
Sur le CD il y avait plusieurs documents : les textes de la pétition, l’article sur l’inclusion qui est en ligne. Ils se sont montrés intéressés par la collecte des commentaires des signataires de la pétition et ont souhaité garder ces documents. Nous envisageons pour la prochaine rencontre de faire nous-mêmes une analyse de ces commentaires…

Ils ont enfin évoqué la possibilité que nous soyons à nouveau contactés par eux s’ils l’estimaient nécessaire. Ils nous ont remerciées de notre initiative et nous ont dit qu’ils avaient été très intéressés par cette rencontre…
Bien évidemment nous les avons également remerciés de leur écoute et de leur accueil. 
La réunion aura duré 45 minutes.



mercredi 30 octobre 2013

Handicap : de l'intégration à l'inclusion, par Anne-Valérie Delaplace

Anne-Valérie Delaplace a été enseignante durant un peu plus de 20 ans, dont 15 en milieu ordinaire, puis 3 ans en IME, Institut médico-éducatif et enfin 3 ans en Clis, Classe d'inclusion scolaire.
Elle est l'auteure du livre "Moments de vie - Enseigner en Clis avec des enfants autistes, le champ des possibles..."
Elle est membre du collectif pour l'inclusion scolaire des enfants handicapés.


L’intégration puis l’inclusion... Une anecdote 
Encore jeune enseignante, j’ai eu une classe de CM1 au Port (Ile de la Réunion), mon premier poste de titulaire, lors de ma 3ème année d’enseignement, dans une très grosse école de 20 classes. Observant les jeunes de la classe de perfectionnement ("perf"), toujours un peu solitaires et isolés dans la cour, j’ai proposé à l’enseignant de cette classe de partager des temps de sport. J’avais alors débuté une activité au gymnase, gym, danse, musique... Avec mes 30 élèves on s’éclatait à jouer à «Véronique et Davina». Ravi de cette proposition, l’enseignant m’accompagna avec ses 15 élèves de perf ... Surpris, rigolant... Ils ont vite apprécié de partager ces moments avec nous, puis l’enseignant participant activement a poursuivi sur un cycle de ballon... Un jour il me parle de l’un de ses élèves, promis à la SES (actuellement SEGPA, Section d'enseignement général et professionnel adapté) qui pourrait faire mieux... Nous tombons d’accord pour un essai en CM1. Je le prends dans ma classe tous les matins 1 heure, puis toute la matinée... Tout se passe formidablement bien... Je demande à l’enseignante de CM2 de le prendre dans sa classe 2 après-midi par semaine... Et en route pour le passage au collège en 6ème ! L’enseignant de la perf a fait le relais au collège les premiers mois... puis en 5ème nous n’en avons plus entendu parler… Tout se passait bien, il était devenu un élève parmi les autres.
À cette époque, l’intégration, on n’en parlait pas et ça ne se pratiquait... Quasiment pas.

L’intégration puis l’inclusion... En Clis 
Arrivée en Clis, bien des années plus tard : 12 élèves, 2 jeunes autistes dont l’un depuis 3 ans. Pas d’intégration évidemment pour lui, seulement quelques élèves de la Clis avaient eu «droit» à quelques heures de sport avec les classes de CP ou de CE1. Il m’a fallu attendre jusqu’à la Toussaint pour négocier avec mes collègues l’intégration de mes élèves autistes et dans des matières de travail à table, c’est-à-dire français ou maths, selon leurs compétences. L’année suivante la Clis est devenue classe d’Inclusion et j’ai pu continuer activement, en obtenant des AVS-i, Auxiliaires de vie scolaire individuels pour mes élèves autistes et de réelles inclusions dont on sait tous qu’elles sont plus que bénéfiques. Durant ma dernière année de Clis, j’avais un élève que je ne voyais quasiment plus, il était tous les matins en CM1 et un après-midi avec moi en Clis. Bien sûr en cas de souci, de changement, il pouvait revenir à tout moment dans la Clis avec son AVS-i.

L’inclusion scolaire peut se conjuguer et se décliner sous différentes formes...
Voici quelques projets d’inclusion que j’ai pu mener à bien durant mes années d’enseignante dans l’Education Nationale :
- Inclusion d’un élève de classe spécialisée dans ma classe ordinaire de CM1, qui a pu l’année suivante intégrer une 6ème au collège.
- Inclusion d’un élève de Clis en classe ordinaire pour des activités de français et/ou de mathématiques, avec AVS-i.
- Inclusion d’un groupe d’élèves de la Clis pour des projets de décloisonnement en Arts visuels et en sciences.
- Inclusion des élèves de la Clis avec deux classes pour un voyage scolaire.
- Inclusion d’enfants en IME dans la Clis tous les matins pour favoriser de réels apprentissages scolaires.
- Inclusion des enfants à la restauration scolaire, grâce à un partenariat avec le service handicap de la municipalité, une personne supplémentaire, rémunérée par la mairie formée par l’AVS collective de la Clis ayant fait le relais nécessaire durant un mois.
- Inclusion des enfants au centre aéré de la ville pour les vacances scolaires.

Les bénéfices de l'inclusion
L’inclusion est avant tout une question de bon sens. Elle se révèle bénéfique pour tous :
- Pour les élèves en situation de handicap qui apprennent à vivre et à apprendre avec les autres.
- Pour les élèves ordinaires qui apprennent à changer leur regard sur l’autre, sur la différence et qui se font de nouveaux amis.
- Pour les adultes, enseignants et intervenant dans les écoles qui doivent se remettre en question et modifier leurs pratiques.
 
Pour conclure, je citerai Fanny, l’enseignante spécialisée qui a repris mon poste dans la Clis, et qui a écrit dans son témoignage qu’elle a rédigé dans mon livre :
"En somme, chaque jour est rythmé par des victoires. Car c’est de cela dont il est question en CLIS, permettre aux enfants de devenir «élèves» au sein d’une école.
Je conclurai en comparant cet objectif à l’album de Jérôme Ruillier, "Quatre petits coins de rien du tout" :
C’est l’histoire d’un petit carré et de ses camarades, des petits ronds, qui, au moment de rentrer en classe s’aperçoivent que celui-ci ne passe pas par la porte (représentée par un cercle). C’est alors qu’ils comprennent que ce n’est pas petit carré qui doit changer.
C’est la porte de l’école !

vendredi 20 septembre 2013

L’inclusion scolaire : qu’en est-il ?

Par Christine PHILIP, Maître de conférences honoraire en Sciences de l’Education de l’INS HEA

Article également visible en format pdf dans ce lien.


De la crise scolaire au handicap
Dans un article récent du journal Le Monde le célèbre sociologue de l’éducation François Dubet porte un regard critique sur notre système scolaire français en faisant de cette « crise » qui le traverse depuis une trentaine d’années, un problème politique. Il rappelle en effet que les inégalités scolaires reproduisent les inégalités sociales comme Bourdieu l’avait déjà montré en son temps, mais va plus loin en affirmant qu’en France non seulement l’école reproduit mais qu’« elle accentue la reproduction de ces inégalités. » Et pour lui la raison en est que la massification scolaire des années 60, puis celle des années 80 dans l’enseignement secondaires et les études supérieures, n’a pas été accompagnée d’un « changement de nature de l’école ». Ainsi « le collège unique en 1975 a été créé sur le modèle du lycée bourgeois, ne répondant pas ainsi aux besoins des élèves venus des classes populaires ». 
C’est ainsi que « nous avons maintenu, voire accentué les hiérarchies scolaires conduisant à une orientation par l’échec, alors qu’il aurait fallu diversifier les modalités de formation et permettre aux élèves de circuler dans le système ». (…) « Nous n’avons pas compris que dans un système de masse le métier d’enseignant devait changer », ajoute-il un peu plus loin. Le fonctionnement de ce système scolaire resté inchangé, il le nomme « l’élitisme républicain » en faisant remarquer que « l’idéal élitiste détermine toutes les pratiques y compris celles des filières et des établissements qui n’accéderont jamais à l’élite, y compris celle des classes enfantines où les notes se portent bien. » Tout est dit dans les quelques lignes de cet article vigoureux qui dénonce cet élitisme français qui laisse sur le bord du chemin tous ceux qui n’entrent pas dans ce « système ».
Notons que ce qui est mis en cause c’est le métier même d’enseignant, ce qui signifie que ce sont les pratiques pédagogiques elles-mêmes qui devraient changer, en passant d’une pédagogie frontale proposant les mêmes contenus à tous les élèves à une pédagogie différenciée, soucieuse de prendre en compte « toutes les différences ». Nous reviendrons plus loin sur cet aspect pédagogique qui nous semble essentiel si l’on veut construire aujourd’hui une « école inclusive ».

Mais si les classes populaires sont victimes de ce système, que dire d’une population encore plus « défavorisée » qui est la population des élèves en situation de handicap ? Dans ce système élitiste qui favorise les meilleurs, quelle peut être la place de ceux qui, pour des raisons autres que sociales, ne peuvent pas entrer dans le moule ? Comme le souligne Charles Gardou dans son livre sur la société inclusive, « ces personnes en situation de handicap sont mises, de manière radicale, au ban de leur communauté d’appartenance. On les éloigne comme pour éviter une contagion. La croyance inavouée qu’elles sont « naturellement autres » et leur supposée improductivité les condamnent à un huis clos. Cela en fait des êtres atopos, sans place dans la société. Maintenues dans des hors lieux. Dans un arrière monde, sorte d’espace blanc, que les sociétés traditionnelles associent à l’idée d’abandon et d’inexistence sociale. Rendues invisibles, ontologiquement gommées. » Certes certaines parmi ces personnes sont « intégrées » ou « incluses » en milieu ordinaire, mais il s’agit d’une minorité, bien souvent issue des milieux les plus favorisés et provenant de familles qui ont eu les ressources à la fois matérielles et sociales de s’engager dans un « parcours du combattant ».

Pour mesurer l’ampleur du problème voici quelques chiffres : il y a actuellement plus de 200 000 élèves en inclusion à l’école ordinaire (dont certains très partiellement), mais sur un effectif total de plus de 12 millions, soit environ 1 sur 60, d'après l'Education nationale sur l'année 2011-2012 . Plus de 100 000 enfants dans des structures médico-sociales (source DREES , 2010) et plus de 100 3 0enfants dans les hôpitaux de jour . Environ 20 000 enfants handicapés à domicile, aucune statistique n’est clairement établie, mis à part le constat de 5 000 à 20 000 enfants avec une orientation en IME (Institut Médico-Educatif) mais sans place pour la rentrée scolaire de septembre 2013 d'après le défenseur des droits

Si une partie importante de ces enfants est officiellement scolarisée à l’école ordinaire, cette scolarisation est bien souvent très partielle avec quelques heures dans la semaine, un personnel insuffisamment formé, des aménagements aléatoires. Au fur et à mesure de l’avancée des classes d’âge, la proportion d’élèves handicapés se réduit (sauf pour les handicaps moteurs et sensoriels).

Ainsi pour les enfants avec troubles cognitifs et mentaux (TFC), qui sont majoritaires dans le champ du handicap, ils sont moitié moins présents dans le secondaire qu’à l’élémentaire : 60 513 (1er degré), 30 145 (2° degré). Cette population est celle qui pâtit le plus du manque d’égalité des chances : le rapport sénatorial de la commission des lois (juillet 2012) met en évidence que 20 000 enfants en France sont sans solution scolaire. Ce sont les enfants les plus atteints (polyhandicapés et autistes sévères), les moins autonomes, qui sont dans cette situation.

Pour améliorer cette situation et rendre l’école plus inclusive, il est certes très important de reconnaître la fonction des AVS (Auxiliaires de vie scolaire) comme un véritable métier, mais cela ne saurait suffire à améliorer la situation. Pour véritablement développer l’inclusion scolaire il faut aussi impliquer fortement les enseignants qui sont d’ailleurs les responsables des situations pédagogiques. Par ailleurs la formation de ceux-ci, comme des autres personnels (dont les AVS), doit être assurée par des spécialistes de l’inclusion scolaire et de la pédagogie adaptée.

Mais en quoi consiste cette pédagogie adaptée ? Pour répondre à cette question il nous faut définir au préalable avec précision cette nouvelle notion d’inclusion qui est aujourd’hui dans tous les discours et qui est devenue à ce point « politiquement correcte » que plusieurs associations gestionnaires d’établissements dans lesquels on accueille des enfants handicapés se revendiquent aujourd’hui comme adeptes de la pratique inclusive … Mais qu’est-ce que l’inclusion et en quoi l’inclusion se distingue-t-elle de l’intégration, puisque dans les pratiques et dans les discours l’inclusion a succédé à l’intégration. Nous faisons l’hypothèse qu’en développant une scolarité inclusive pour les élèves en situation de handicap il est peut être possible de résoudre la question de la crise scolaire.


De l’intégration à l’inclusion
Nous sommes en effet passés d’une pratique de l’intégration scolaire à une pratique de l’inclusion scolaire, mais ce changement n’a pas été suffisamment préparé, ce qui fait que nous restons dans une période de transition entre intégration et inclusion. Ce qui différencie ces deux pratiques est très bien expliqué par Charles Gardou dans son dernier ouvrage : « l’objectif de l’intégration est de faire entrer dans un ensemble, d’incorporer. (…) Un élément extérieur, mis dedans, est appelé à s’ajuster à un système préexistant. Ce qui est premier est l’adaptation de la personne : si elle espère s’intégrer, elle doit d’une manière assez proche de l’assimilation, se transformer, se normaliser, s’adapter ou se réadapter. Par contraste, une organisation sociale est inclusive lorsqu'elle module son fonctionnement, se flexibilise pour offrir au sein de son ensemble commun, un « chez soi pour tous ». (…) Ce chez soi pour tous ne serait toutefois que chimère s’il n’était assorti, dans tous les secteurs et tout au long de la vie, d’accompagnements et de médiations compensatoires, de modalités de suppléance et de contournement. »


Ainsi ce qui permet de distinguer l’intégration de l’inclusion c’est que dans la première c’est la personne handicapée ou différente qui doit faire l’effort, avec aide, de s’adapter au milieu qui l’accueille en se « normalisant », tandis que dans la seconde, c’est le milieu d’accueil qui fait cet effort d’adaptation pour répondre aux besoins particuliers de la personne. Il s’agit assurément d’une révolution culturelle en milieu éducatif dont on n’est loin d’avoir mesuré tous les effets… Nous sommes en train d’avancer tout doucement dans cette voie qui certes pourrait conduire à un changement assez radical de notre système éducatif… Car jusqu’à présent les besoins particuliers de tous les élèves étaient assez peu pris en compte dans notre système scolaire. Ainsi c’est en faisant l’effort d’accueillir des élèves différents que les enseignants prendront l’habitude d’ajuster leur pratique à la diversité des élèves et à différencier leur pédagogie… Ce qui signifie que l’accueil en milieu scolaire ordinaire d’élèves différents devrait conduire à un changement de notre système éducatif. Comme le fait encore remarquer Charles Gardou, « Une société inclusive n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée au seul handicap. Ce qui prime est l’action sur le contexte pour le rendre propice à tous… » (p.38)

Des auteurs québécois ont réfléchi à cette question de l’inclusion d’une façon plus pratique en donnant quelques « clés pédagogiques » pour construire cette école inclusive. Ils se réfèrent entre autres à cette déclaration de Salamanque de 1994 (UNESCO) dans laquelle il est affirmé que « chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres, (…) Les systèmes éducatifs doivent être conçus et les programmes appliqués de manière à tenir compte de cette grande diversité de caractéristiques et de besoins ».

Ainsi être capable de prendre en compte les besoins particuliers de chaque apprenant devrait permettre à l’école d’ouvrir ses portes à ces enfants qui ont des besoins éducatifs particuliers et qui sont en situation de handicap. Comme l’affirment ces auteurs une école inclusive est une école qui « répond aux divers besoins d’apprentissage des élèves par un enseignement différencié » (p.16). La pédagogie différenciée, voire même parfois individualisée, est celle qui doit être pratiquée dans ces écoles. Tant que la pédagogie reste générale et s’adresse à tous les élèves de la même façon, elle favorise une élite. Tant qu’elle propose les mêmes stratégies et les mêmes contenus pédagogiques à tous les élèves sans tenir compte de leur profil particulier, de leur stratégie d’apprentissage, de leur rythme propre, elle ne peut être inclusive, ni pour les élèves venant des milieux défavorisés ni pour ceux qui sont en situation de handicap.





Les principes d’une école inclusive
Aujourd’hui bien que l’inclusion soit dans tous les discours, elle est loin d’être majoritairement dans les pratiques des enseignants. En réalité nous en sommes restés à la pratique de l’intégration qui attend des élèves qui sont accueillis (élèves avec handicap compris) qu’ils fassent eux-mêmes l’effort de s’adapter au milieu qui les accueillent et qu’ils en respectent les normes. 
S’ils n’y parviennent pas, alors au lieu de remettre en question la pratique de l’enseignant pour chercher à mettre en place les adaptations éducatives et pédagogiques nécessaires, on en fait porter la responsabilité à l’enfant, en prétendant soit qu’il n’est pas à sa place et qu’il serait bien mieux dans un lieu dédié au handicap avec des « spécialistes » qui sauront le « prendre en charge », soit qu’il est « en souffrance » et qu’il est injuste de le laisser dans cette situation... Comme le montre le schéma ci-dessus dans la démarche intégrative on offre le même cadre à tous, sans tenir compte des différences et de ce fait, on privilégie les élèves les plus doués. Dans la démarche inclusive, au lieu de partir d’une égalité de principe qui n’existe pas, on se propose de l’atteindre en adaptant les supports et les stratégies pour ceux qui ont plus de difficultés, ce qui permettra à terme que ces trois spectateurs qui n’ont pas les mêmes chances au départ, d’arriver au même résultat mais selon leurs compétences et leur rythme propre … Liberté Egalité Fraternité sont d’excellents principes éducatifs à condition de reconnaître que pour ce qui est de l’égalité, dans la loi de 2005 on parle « d’égalité des droits », avec les processus de compensation et d’accessibilité. Il s’agit davantage d’un objectif à atteindre que d’un point de départ comme il est encore envisagé aujourd’hui.


Comme l’expliquent ces auteurs québécois qui ont mis en application ces principes dans les écoles, « l’inclusion est un processus et non un aboutissement. Aucune personne ou aucune organisation ne peut affirmer être entièrement inclusive. » (p.17) Cela signifie que l’inclusion est une finalité éducative plus qu’un objectif. Les deux sont souvent confondus à tort car l’objectif contrairement à la finalité est ce que l’on peut atteindre (ou rater si l’on n’y met pas les conditions), tandis que la finalité est toujours hors de portée, elle est un horizon que l’on se fixe mais dont on sait que l’on ne peut que tendre vers lui sans jamais l’atteindre tout à fait. L’inclusion est comme l’autonomie, une « valeur éducative » qui correspond à un idéal qu’il faut avoir à l’esprit et vers lequel on tend, tout en sachant que l’on ne pourra jamais l’atteindre complètement. On ne peut que s’en rapprocher, ce qui est déjà beaucoup. Qui peut se prétendre parfaitement autonome, ou parfaitement « inclusif » ? Voilà ce que veulent dire ces auteurs lorsqu’ils posent l’inclusion comme un « processus ». Ce qui compte n’est pas d’atteindre le but, mais de mettre en place toutes les conditions pour s’engager dans cette voie. Ces conditions à mettre en place sont multiples et parmi elles, la collaboration entre les différents professionnels est importante, collaboration avec les parents, les professionnels de santé, des services sociaux… Mais surtout ce qu’il faut parvenir à installer au sein de l’école, c’est ce que ces auteurs appellent « une culture de l’inclusion ». Ainsi dans cette culture de l’inclusion il y a « ce respect de l’individualité et de la différence en le considérant comme un facteur d’enrichissement ». Ainsi au lieu de penser la différence comme un problème et un obstacle au bon fonctionnement de l’école, on la regarderait comme une chance qui est offerte. Certes il s’agit d’un véritable « défi », mais on l’accepte comme tel. Il se trouve au cœur de la culture inclusive. Et ce qui est important n’est pas que tous les élèves arrivent au même résultat, mais que tous progressent. Et pour les aider à progresser il est mis en place ce qu’on appelle « une évaluation inclusive ». C’est d’autant plus important que l’évaluation des élèves se trouve au cœur de la scolarité.

L’évaluation inclusive n’est pas une évaluation sommative avec des notes, c’est une évaluation pour aider l’élève à apprendre. C’est ce qu’on appelle l’évaluation formative en pédagogie. Comme l’explique ces auteurs, cette évaluation « souligne les réussites des élèves et détermine les priorités pour le futur. » Ce n’est pas une évaluation sanction telle qu’elle est encore majoritairement pratiquée dans notre système scolaire, mais une évaluation en cours d’apprentissage pour aider l’apprenant. Quant aux contenus pédagogiques, ils sont définis comme « des défis d’apprentissage appropriés », ce qui signifie que les élèves sont bien repérés dans leurs particularités et que ce qu’on leur propose est nécessairement à leur mesure. 

Ainsi ce qui est recommandé aux enseignants :
« Établir des objectifs en faisant preuve de flexibilité quant au programme d’enseignement, selon les points de départ de la classe, du groupe ou de l’individu.
Concevoir un système de suivi qui récompense les efforts des élèves et dont les renseignements sont utilisés à des fins de planification ». (p. 70)
Dans un tel système tous les élèves sont valorisés, non selon leurs résultats, mais selon leurs efforts. Et en cas de difficulté, ils sont aidés.
Ensuite dans un tel cadre inclusif au lieu d’entretenir la concurrence entre les élèves, ce que produit notre propre système éducatif, on favorise l’entraide entre les élèves. On encourage les plus doués à accompagner ceux qui sont plus en difficulté. Ce qui s’appelle le tutorat dans notre système n’est pas assez diffusé, il reste une heureuse exception…
Un autre chercheur québécois, Raymond Vienneau, utilise l’expression de pédagogie inclusive. Cette expression nous semble très appropriée. Voyons quel en est le contenu.


La pédagogie inclusive ou la pédagogie de l’inclusion
Pour Raymond Vienneau l’intégration scolaire a constitué une étape essentielle « en ce qu’elle a permis les premières expériences d’intégration physique (une classe spéciale intégrée dans une école de quartier) et d’intégration sociale (des élèves intégrés partageant les mêmes services comme la cafétéria de l’ école). Elle aura surtout permis de montrer que l’intégration pédagogique en classe ordinaire était chose possible, ne serait-ce qu’à temps partiel ou que pour certaines catégories d’élèves en difficulté. » (p.9)
En méditant sur cette citation on comprend qu’en France nous en sommes toujours à cette étape de l’intégration scolaire, même si l’on parle d’inclusion, y compris pour nommer ces classes spéciales dans les écoles que l’on appelle à tort des CLIS (classes d’inclusion scolaire) ou des ULIS (Unités locales d’inclusion scolaire) qui en réalité fonctionnent encore sur le modèle intégratif, à savoir une classe spécialisée, certes ouverte sur l’école ou l’établissement mais de façon très partielle …

Pour ce qui est de l’inclusion scolaire « celle-ci s’insère dans un plus vaste mouvement, une tendance de fond en pédagogie, qu’on pourrait qualifier d’émergente, vise essentiellement la gestion des nombreuses différences observées entre apprenantes et apprenants (concernant le rythme d’apprentissage, le style cognitif, les types d’intelligence etc.). L’inclusion en classe ordinaire d’élèves en difficulté n’a fait qu’accentuer ce besoin d’individualiser le processus d’enseignement-apprentissage au bénéfice de tous les élèves ». (p.9)

Ainsi on comprend où se situe la différence dans la démarche, l’inclusion concerne « tous les élèves » et pas seulement ceux en situation de handicap. Il s’agit d’une transformation du métier d’enseignant que François Dubet dans son article appelle de ses vœux. Car il insiste bien sur ce qu’il appelle « la crise d’efficacité pédagogique ». Il précise que « les agendas scolaires, le mode d’organisation du travail scolaire, la qualité de la formation des maîtres, la difficulté d’individualiser le travail des élèves peuvent être mises en cause puisque des pays qui connaissent les mêmes difficultés sociales que les nôtres ont de meilleurs résultats scolaires ».
Ainsi le fait d’accueillir des élèves différents non seulement ne fera pas baisser le niveau scolaire comme le craignent encore beaucoup d’usagers et d’enseignants en France, mais bien au contraire cela devrait contribuer à une amélioration de l’efficacité scolaire… Il y a là un enjeu très important pour notre société. François Dubet a raison de penser qu’il s’agit là d’un problème politique.

Les adeptes de l’inclusion telle qu’elle est définie ici abandonnent la notion d’intégration car selon eux, pour intégrer il faut d’abord avoir exclu. Ce qui signifie que dans ce régime d’intégration scolaire dans lequel nous nous trouvons toujours en France, l’existence de tous les services et institutions ségrégués est maintenu. Ces services et institutions continuent d’exister pour tous ceux dont on pense qu’ils n’ont pas leur place en milieu ordinaire… Comme l’explique Vienneau, « avec l’inclusion il en va tout autrement. Les partisans de l’inclusion totale (full inclusion), adoptent une philosophie éducative qui exclut toute forme de rejet (zero reject philosophy).

 Bref l’école et la classe ordinaires doivent répondre aux besoins de tous les élèves » Nous serions tentée d’ajouter : tous les élèves sans exception. Car à partir du moment où certains, même si c’est une minorité, se trouvent exclus de ce système, où établir la frontière entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas ? Comme le fait remarquer Philippe Meirieu, en pédagogie comment peut-on savoir si c’est ou non possible tant que l’on n’a pas essayé ? Sachant qu’il vaut mieux s’appuyer sur le postulat d’éducabilité…ne pourrait-on pas parler aussi d’un postulat d’inclusibilité ? Démontrez-moi qu’il est inclusible ! Non, je n’ai pas à vous le démontrer, car un postulat ne se démontre pas. C’est un principe que l’on pose, en l’occurrence un droit pour tout élève quel qu’il soit d’être scolarisé avec ses pairs.
En outre, comme le précise Vienneau, la pédagogie de l’inclusion se distingue de celle de l’intégration scolaire « en ce qu’elle propose un modèle pédagogique pouvant bénéficier à l’ensemble des élèves de la classe ordinaire. En fait l’inclusion scolaire repose sur l’idée que chaque apprenant étant unique, les écoles et le processus d’enseignement-apprentissage doivent être structurés de manière à ce que chaque élève reçoive une éducation adaptée à ses caractéristiques personnelles et à ses besoins particuliers. » Il s’agit d’un « nouveau paradigme éducationnel ».
Ce nouveau paradigme éducationnel s’exprime de la façon suivante : à la place du paradigme classique du 1 X 30 (groupe relativement homogène de 30 élèves), le groupe classe devient : 30 X 1 (30 fois 1 ou 30 apprenants individuels). Ce qui serait une sorte de révolution culturelle de notre système éducatif. C’est ce paradigme de l’inclusion totale qu’il faut envisager comme un processus dans lequel on s’engage et qui représente pour l’école un véritable défi permanent.

Pour conclure …
Ce qui est important dans cette nouvelle approche pour la France, c’est la dimension pédagogique de l’inclusion. Contrairement à ce que pensent actuellement nos politiques qui considèrent que cette inclusion ne pourra se faire sans la collaboration avec les spécialistes du secteur médico-social, c’est en changeant notre système éducatif lui-même et en impliquant fortement les enseignants que cette inclusion scolaire pourra se développer dans notre pays. Rien ne pourra se faire sans le concours des enseignants. Et contrairement aux craintes de beaucoup de français, cette inclusion n’est nullement en contradiction avec les attentes d’excellence scolaire, bien au contraire. L’inclusion d’élèves avec handicap ou en grande difficulté d’apprentissage ne risque nullement de ralentir le rythme d’apprentissage du groupe classe. Elle invite chacun à travailler à son rythme et elle offre une belle occasion d’ouverture à toutes les différences. En développant le sens de la responsabilité des élèves et la relation d’aide entre pairs, elle peut aussi contribuer à améliorer les problèmes de comportement d’un certain nombre d’élèves décrocheurs… et à favoriser une culture de la coopération et de la solidarité entre tous les élèves.
Si l’on prive l’inclusion de cette dimension pédagogique comme on le fait aujourd’hui en France, en se contentant d’accueillir des élèves dans l’espace scolaire, mais sans modifier la pratique de l’enseignement, alors on reste dans une pratique d’intégration scolaire que l’on appelle à tort de l’inclusion. En misant tout sur les AVS (Auxiliaires de vie scolaire) sans impliquer suffisamment les enseignants, et en affirmant dans la nouvelle Loi sur la refondation de l’école que l’inclusion est désormais une priorité, le risque encouru est une fois de plus se contenter d’une affirmation de principe mais qui ne sera pas vraiment suivie d’effets, car on ne se sera pas donné les moyens « pédagogiques » de la mettre en place.

Comme le remarque un auteur cité par Vienneau « Il y a des enfants qui sont parachutés en classe ordinaire au nom de l’inclusion, alors qu’en fait, rien n’a été fait pour en faire une classe inclusive, sauf à y placer un élève avec handicap ou en difficulté. » (p .17)
Le seul placement dans une classe ordinaire d’un élève handicapé ne saurait suffire à faire de cette classe une classe inclusive. C’est une condition nécessaire mais non suffisante. C‘est donc bien la dimension pédagogique de l’inclusion qui fait toute la différence…

Certes la dimension « formation au handicap » aujourd’hui envisagée pour les enseignants ordinaires dans la nouvelle loi de la refondation pour l’école est également importante, mais elle ne saurait suffire… Cette transformation du métier d’enseignant nous apparaît encore plus décisive, et pourtant elle est totalement passée sous silence… Concluons en souhaitant qu’en France, dans les années qui viennent, « la pédagogie spéciale devienne générale et que la pédagogie générale devienne spéciale » !

samedi 7 septembre 2013

La classe inclusive, qu'est ce que c'est ?

Isabelle Resplendino, membre du collectif :

"Il y a des pays où, autrefois, il n'y pas si longtemps que cela il y avait des écoles pour enfants à la peau noire, et des écoles pour enfants à la peau blanche. Maintenant, on est en Belgique au cœur de l'Europe et on trouve encore cette différence, une sorte de ségrégation avec d'un côté des enfants avec des difficultés scolaires, des handicaps, des difficultés d'apprentissage et de l'autre, dans des écoles séparées, et bien l'école ordinaire, les autres enfants. S'ils vivent séparément, s'ils n'apprennent pas à vivre ensemble, comment voulez-vous qu'ils apprennent à vivre ensemble plus tard ? 
C'est cette chance (parlant des classes inclusives), qui leur est offerte, qui a été offerte à mon fils. Maintenant ça se passe très bien avec ses camarades. J'espère que ça va continuer comme ça."


Une classe inclusive, c'est une classe avec comme effectif un quart d'élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP) et des élèves ordinaires, avec deux enseignants dont l'un est spécialisé. 

Elle est mise en place en Belgique et Wolfgang, le fils d'Isabelle Resplendino (membre du collectif), a la chance d'être dans une de ces classes.


Explication en images dans ce reportage 
Curseur entre 15min40 et 31min15


http://www.notele.be/index.php?option=com_content&task=view&id=11194&Itemid=80




vendredi 6 septembre 2013

Pétition adressée à M. le Premier ministre : l'inclusion scolaire, après les discours, des actes !

C’est la rentrée pour tous les élèves français.

Tous ? Non…

Les enfants présentant certains handicaps comme celui résultant de l'autisme, le handicap mental ou le polyhandicap trouvent les portes de l’école fermées, tandis que d’autres se voient proposer une scolarité très partielle.

C'est le cas de mon fils Julien, 8 ans,  autiste  : cela fait deux ans maintenant qu'il ne fait pas de rentrée, le personnel enseignant m'ayant bien fait comprendre qu'une scolarisation en milieu ordinaire n'était plus envisageable.
Pourquoi ? Parce que pour l’intégrer en classe, il devrait se comporter comme un élève ordinaire, ce qu’il n’est pas.

Lui qui adorait le contact des autres enfants, il n'a plus la possibilité d'en côtoyer. Il a rejoint les dizaines de milliers d'enfants exclus de la société, à l'abri de vos regards. Il a un handicap social, et en conséquence on l'handicape volontairement encore plus en le privant de chances d'apprendre les règles sociales.
Le gouvernement lui-même l'affirme :  la scolarisation en milieu ordinaire permet d’obtenir les meilleurs résultats éducatifs pour de nombreux élèves en situation de handicap tout en offrant une plus grande ouverture à la différence aux autres élèves.
Ces enfants doivent réellement avoir la possibilité d’apprendre des autres, pour favoriser plus tard leur inclusion dans la société.

Aujourd'hui, je mets en ligne cette pétition, créée par le Collectif pour l'inclusion dont je fais partie.

Nous y demandons que le gouvernement mette en œuvre ce à quoi il s’est engagé :
« Faire que tous les enfants vivent en commun. Cesser l’école de l’exclusion. Cesser l’école de la ségrégation. Cesser l’école du mépris. L’école du respect, l’école de tous ! ».



Le Collectif pour l'inclusion est composé de citoyens concernés par le handicap.